Une accusation injuste : pourquoi François Bayrou défend Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires d’eurodéputés
Le Premier ministre trouve très dérangeant la possibilité que Marine Le Pen puisse être jugée inéligible, avec une application immédiate de cette peine.
Le Premier ministre François Bayrou a pris position de manière inattendue dans l’affaire des assistants parlementaires d’eurodéputés du Rassemblement national. Il a estimé, lors d’une interview sur LCI, que le procès fait à Marine Le Pen était injuste. Cette déclaration surprenante a suscité de nombreuses réactions et interrogations. Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais, a été jugée à l’automne dernier avec 24 autres prévenus frontistes, ainsi que le parti d’extrême droite lui-même, dans le cadre de cette affaire. Le jugement est prévu pour le 31 mars et elle encourt notamment une peine d’inéligibilité qui pourrait être appliquée immédiatement, sans attendre un éventuel appel.
Le chef du gouvernement préoccupé par les peines d’inéligibilité sans appel
Lorsqu’on lui a demandé si ce serait une erreur politique si Marine Le Pen était déclarée inéligible en mars, François Bayrou a d’abord souligné que la responsabilité du gouvernement ne pouvait pas porter sur la justice. Cependant, il a ajouté que selon lui, il est très dérangeant que des jugements soient prononcés sans possibilité de faire appel. Il faisait ici référence à la possibilité pour les juges de prononcer une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, c’est-à-dire applicable immédiatement, sans attendre un jugement en appel. Le parquet a d’ailleurs requis cette exécution provisoire le 13 novembre dernier. En plus de s’exprimer sur la peine d’inéligibilité encourue par Marine Le Pen, François Bayrou s’est également prononcé sur le fond du dossier. Il estime qu’il s’agit d’une accusation injuste. Selon lui, un parti politique aide à faire élire un député européen et le soutient dans la défense de ses idées, surtout lorsqu’il est minoritaire. Il considère que le parti est le seul moyen pour ces députés de se faire réélire.
François Bayrou, un défenseur cohérent
Cette prise de position du Premier ministre rejoint celle du mouvement qu’il préside, le MoDem. En effet, François Bayrou et plusieurs cadres du parti ont été jugés il y a un an dans une affaire très similaire. Le MoDem était accusé d’avoir rémunéré des assistants parlementaires d’eurodéputés avec les fonds du Parlement européen, alors qu’ils travaillaient pour le parti. En février 2024, François Bayrou a été relaxé au bénéfice du doute, mais plusieurs cadres du mouvement ont été condamnés à tort selon lui. Il estime que le tribunal a fait preuve d’une incompréhension de la vie politique et du rôle des assistants parlementaires. Il a mal vécu ce procès et a toujours répété que le jugement contre le Rassemblement national était également injuste. Sa position en faveur de Marine Le Pen est donc cohérente avec celle qu’il a tenue dans son propre procès.
Des réactions mitigées
La déclaration de François Bayrou a suscité des réactions variées. Certains, comme le numéro 2 du Rassemblement national Louis Aliot, ont salué la prise de position du Premier ministre. Il estime que François Bayrou sait de quoi il parle puisqu’il a lui-même été confronté à une affaire similaire. Cependant, d’autres voix se sont élevées pour critiquer cette position. La secrétaire nationale des Ecologistes-EELV, Marine Tondelier, a reproché à François Bayrou de ne pas avoir parlé d’écologie lors de son interview. Elle estime qu’il était trop occupé à défendre Marine Le Pen et à critiquer le procès.
Aucun calcul politique selon les centristes
Les membres du MoDem assurent qu’il n’y a aucune arrière-pensée politique dans la prise de position de François Bayrou. Ils affirment que le Premier ministre est respectueux des oppositions et qu’il ne fait pas de calculs politiques. Il est néanmoins important de souligner que le vote sur le budget approche et que le Premier ministre aura besoin de l’abstention du Rassemblement national ou d’une partie des socialistes pour faire échouer une motion de censure déposée par La France insoumise. Le contexte politique peut donc influencer les prises de position. Finalement, François Bayrou exclut toute entrée du Rassemblement national dans un éventuel gouvernement d’union. Il estime que l’union est nécessaire mais qu’elle doit respecter certains principes communs, ce qui exclut le parti d’extrême droite ainsi que La France insoumise.