Ce jour-là, j’ai cru mourir : un voisin raconte son face-à-face avec Mounir Boutaa
Le soir du féminicide, Gérard Van Cauwenberge a tenté de s’interposer, mais l’accusé a allumé le feu au corps de sa femme avant de le braquer avec son pistolet, l’empêchant d’agir. Le septuagénaire s’est constitué partie civile au procès.
Je finirai les dernières années de ma vie avec ces images. Celles du corps de Chahinez Daoud en train de s’embraser et du pistolet de Mounir Boutaa braqué sur lui. Gérard Van Cauwenberge a 76 ans et il est venu raconter à la barre, mercredi 26 mars, cette soirée durant laquelle il s’est cru condamné au moment même où il a vu, pour la première fois de sa vie, quelqu’un mourir. Au troisième jour du procès de Mounir Boutaa, accusé d’avoir immolé sa femme, la cour a assisté au témoignage de cet homme aux cheveux blancs.
Un témoin impuissant face à l’horreur
Le 4 mai 2021, Gérard Van Cauwenberge est chez lui lorsque des cris, en langue étrangère, éclatent dans la rue. La dispute se solde par deux détonations. Il sort et découvre le corps d’une femme, la tête sur le caniveau. Un homme, à côté, tenait un bidon et il lui déversait le liquide sur le corps, relate-t-il. D’abord sidéré, il se ressaisit et décide de l’insulter pour le faire réagir. J’ai eu beau le traiter de tous les noms, il ne m’a jamais regardé, il ne m’a jamais parlé. Alors, il se rapproche. Seulement quelques mètres à accomplir, mais c’est déjà trop. Il sort le briquet, c’est parti tout de suite, elle a crié. En repensant à la sensation de chaleur et à l’odeur de cette scène terrible, la voix du vieil homme se brise.
A ses pieds, Chahinez Daoud est en train de brûler vive et Mounir Boutaa le braque avec son pistolet. Ce jour-là, j’ai cru mourir, je le supplie, je me dis que je suis le prochain, je vais m’en prendre une, témoigne Gérard Van Cauwenberge.
Une tentative d’intervention héroïque
Puis, aussi brutalement qu’il est apparu, l’agresseur s’éloigne, s’enfuit à petites foulées. Le retraité de La Poste reprend ses esprits. Il court jusqu’à son garage récupérer des couvertures. Quand il revient, le feu s’est affaibli, il ne s’élève plus qu’à une quinzaine de centimètres, selon son récit. La victime est allongée. Il distingue le mouvement de ses lèvres, fait part de son impression fugace qu’elle essaie encore de respirer. J’ai mis une couverture, puis une deuxième, mais comme elle avait les bras écartés, je ne pouvais pas tout couvrir, raconte-t-il.
Les secours finissent par arriver, mais pour Gérard Van Cauwenberge, la nuit est loin d’être terminée. Lorsqu’il raconte son intervention aux forces de l’ordre, on lui demande de se rendre au commissariat central. J’y suis allé, il était 22h30, j’en suis ressorti à 2h du matin, confie-t-il.
Un traumatisme qui persiste
Le lendemain, il tente de reprendre un semblant de quotidien. Il part faire des courses, mais lorsqu’il repasse sur les lieux du drame, la scène lui revient. Je ne pouvais pas marcher dessus, par respect, avoue-t-il.
Le temps passe, mais les images restent. Pendant des mois, je n’ai pas dormi, je cauchemardais, confie le septuagénaire. A l’époque, j’avais 72 ans, et il m’arrivait de pleurer comme un gamin dans mon lit.
Les excuses de l’accusé
Depuis le box des accusés, Mounir Boutaa présente ses excuses. Je suis vraiment désolé, lâche-t-il. Cependant, il refuse d’exprimer la moindre culpabilité vis-à-vis de la victime depuis le début du procès.
Gérard Van Cauwenberge reste impassible. Lorsqu’on lui demande s’il se considère comme une victime, il balaie la question. Quand je compare la situation avec les parents de Chahinez Daoud, non, répond-il.
Les avocats des parents de Chahinez Daoud reconnaissent le courage de Gérard Van Cauwenberge : Il n’y a pas beaucoup de moments où on est mené dans la vie à se confronter à ce qu’on a au fond des tripes et ce jour-là, vous avez fait preuve d’un immense courage. Vous avez fait tout ce que vous pouviez faire, Monsieur, déclare Julien Plouton.
L’article est rédigé par Clara Lainé de France Télévisions et a été publié le 26/03/2025 à 21h17.