Football : Un projet de dissolution de neuf groupes de supporters inquiète les spécialistes
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, envisage de dissoudre neuf groupes de supporters de clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, ce qui suscite des inquiétudes parmi les spécialistes des tribunes françaises. Depuis quelques semaines, le ministère de l’Intérieur se penche sur la dissolution de plusieurs groupes de supporters, comme l’a confirmé franceinfo: sport dimanche. Sur les neuf groupes de supporters visés, cinq sont actuellement concernés par un projet de dissolution, notamment la Brigade Loire (FC Nantes), les Offenders (RC Strasbourg), la Légion X (Paris FC) ainsi que les Magics Fans et les Green Angels (AS Saint-Etienne). Deux de ces groupes recevront prochainement la procédure de contradictoire, tandis que les enquêtes se poursuivent pour les autres. Les faits reprochés vont de violences envers les forces de l’ordre à des dégradations d’espace public en passant par des chants à caractère homophobes ou racistes et des participations à des manifestations interdites.
Inquiétudes sur le timing et les conséquences
Ce qui interpelle les spécialistes, c’est principalement le timing choisi pour ces dissolutions. La situation s’est apaisée ces derniers temps, avec moins d’incidents majeurs. De plus, plusieurs recommandations du rapport parlementaire de mai 2020 ont été mises en place pour apaiser le contexte législatif. La circulaire de Christophe Castaner de fin 2019 a également eu des résultats positifs en organisant et en encadrant les déplacements des supporters plutôt qu’en les interdisant. L’initiative du ministère de l’Intérieur semble donc paradoxale. De plus, les dissolutions pourraient avoir des conséquences néfastes sur les relations entre supporters et autorités, ainsi que sur l’ambiance dans les stades.
Amalgame entre ultras et hooligans
Un autre point d’inquiétude concerne l’amalgame fait entre les groupes ultras et les hooligans. Les ultras sont des supporters qui se rassemblent activement pour soutenir leur équipe, tandis que les hooligans utilisent le football comme prétexte pour commettre des actes de violence. Il est donc problématique de mettre sur le même plan ces différents groupes. Cependant, du côté du ministère de l’Intérieur, on considère que c’est l’incitation des cadres des groupes à commettre des délits qui importe, quelle que soit la nature du groupe. Les dissolutions concernent d’ailleurs également des associations en lien avec des salafistes ou des écologistes radicaux.
Un impact négatif sur la gestion des supporters
Les spécialistes du supportérisme s’inquiètent des conséquences de ces dissolutions. En effet, dissoudre des groupes de supporters comme la Brigade Loire, les Magics Fans et les Green Angels risque de détériorer les relations entre supporters et autorités, ce qui pourrait favoriser les incidents. La gestion des supporters doit être adaptée à chaque réalité, en concertation avec les groupes ultras historiques. C’est également ce que préconise le rapport parlementaire de Sacha Houlié et Marie-George Buffet. Il est essentiel de travailler en collaboration avec ces groupes pour organiser les déplacements et encadrer les supporters. Les préfets ont un rôle important à jouer dans ce processus.
Un problème de fond à traiter
La décision du ministère de l’Intérieur de se pencher sur ces dissolutions est perçue comme une opération de communication plutôt qu’une véritable volonté de s’attaquer au fond du problème. Selon certains spécialistes, l’interdiction générale est privilégiée en France plutôt que la gestion des libertés et des déplacements. Ils soulignent l’exemple positif des déplacements organisés pour les matchs de barrage de la Ligue des champions, qui ont prouvé leur efficacité. Selon eux, il est essentiel de considérer les supporters de football comme des citoyens à part entière et de travailler en collaboration avec eux pour assurer un environnement sécurisé dans les stades.
Des priorités politiques en question
Enfin, les motivations du ministère de l’Intérieur sont également remises en question. Certains estiment que des considérations économiques entrent en jeu, notamment le coût de la mobilisation des forces de l’ordre pour sécuriser les rencontres de football. D’autres soulignent que les priorités politiques peuvent également influencer les décisions prises. Selon une source proche du ministre de l’Intérieur, un tiers des forces de sécurité est mobilisé lors des matchs de football en France, ce qui représente des sommes colossales. Certains estiment qu’il serait plus judicieux d’affecter ces moyens à la lutte contre les trafics, par exemple.
En conclusion, la décision du ministère de l’Intérieur de dissoudre certains groupes de supporters suscite de vives inquiétudes parmi les spécialistes des tribunes françaises. Selon eux, il est essentiel de travailler en collaboration avec les supporters pour assurer une gestion adaptée et efficace des déplacements et de la sécurité dans les stades. Ils appellent également à une réflexion plus approfondie sur les priorités politiques et sur la manière d’encadrer les supporters de football sans les stigmatiser.