À quel horizon les États-Unis peuvent-ils espérer planter un drapeau américain sur Mars ? Donald Trump a affiché cette ambition, lundi, lors de son discours d’investiture. Cette perspective a particulièrement mis en joie Elon Musk, le patron de SpaceX, qui l’envisage depuis des années. Mais aucune date n’a été évoquée. Objectif Mars. Donald Trump l’a clairement annoncé, lundi 20 janvier, lors de son discours d’investiture promettant un nouvel âge d’or pour les États-Unis. Nous poursuivrons notre destinée manifeste dans les étoiles, en lançant des astronautes américains pour planter la bannière étoilée (le drapeau américain) sur la planète Mars, a déclaré le 47e président des États-Unis. Good !, a aussitôt réagi Elon Musk en levant les deux pouces, avant de se dire très excité face à cette perspective. En effet, le patron de SpaceX répète depuis des années qu’il souhaite faire de l’humain une espèce interplanétaire, en commençant par coloniser la planète rouge. Mais aucune échéance n’a été donnée. Le nouveau président américain n’a rien précisé, le dirigeant de Tesla non plus. En réalité, cette absence de détails n’est pas surprenante. Les dates sont souvent repoussées dans le domaine spatial. Et c’est encore plus fréquent pour des missions lointaines, ambitieuses et inédites. Le projet n’est pas nouveau. L’homme le plus riche du monde affirmait déjà en 2021 qu’il comptait lancer une première mission habitée à destination de Mars en 2026, voire 2024. Ce n’est pas arrivé en 2024, et cela semble a priori impossible pour 2026. D’autant que la fusée géante Starship de SpaceX, qui doit amener des humains sur la Lune (dans le cadre de la mission Artemis) et sur Mars, a subi un revers lors de son septième vol test, le 16 janvier. Si le premier étage a bien été récupéré, pour la deuxième fois de l’histoire, le second étage, lui, a explosé en plein vol. C’est un échec assez important. Cela va lui faire prendre du retard, analyse auprès de franceinfo Paul Wohrer, spécialiste des questions spatiales à l’Institut français des relations internationales. Le Starship n’est pas opérationnel, constate dans les colonnes du Figaro Francis Rocard, responsable de l’exploration du Système solaire au Centre national d’études spatiales (CNES), l’agence spatiale française. Pour le moment, il n’est même pas qualifié pour le vol habité. Les importants ajustements pour que le Starship soit en mesure d’aller sur Mars et d’en revenir peuvent demander du temps, et décaler le planning brandi par SpaceX. Le calendrier d’Elon Musk est toujours très optimiste. L’idée est de pousser au maximum les échéances pour essayer d’avoir le plus d’efficacité possible, remarque Paul Wohrer. Au pire, si la cible est un peu ratée, Elon Musk considère que ce n’est pas très grave. Mais au bout du compte, cela ne fait pas très sérieux. Jusqu’ici, la NASA visait une mission habitée vers Mars pour la décennie 2030. L’agence spatiale américaine avançait ce calendrier relativement flou dans une vidéo promotionnelle mise en ligne en 2020. L’année suivante, l’un des cadres de la NASA avait précisé à la chaîne américaine NBC News qu’en étant prudemment optimiste, la fin des années 2030 était envisagée. L’agence n’a pas revu cette prévision depuis le discours d’investiture de Donald Trump. De tous les acteurs impliqués, l’estimation la plus récente est celle avancée en septembre 2024 par – une fois de plus – Elon Musk. Les premiers Starship vers Mars seront lancés dans deux ans, avait-il écrit sur X. Les premiers vols avec équipage vers Mars auront lieu dans quatre ans, avait-il ajouté. Soit en 2028, pendant le second mandat de Donald Trump. L’échéance semble extrêmement difficile à tenir, presque impossible. Ce qui ne veut pas dire totalement irréalisable, a estimé mardi Lionel Suchet, le PDG du CNES, en présentant ses vœux à la presse. Il y a certains acteurs avec lesquels il faut se méfier quand on dit ‘ce n’est pas possible’. Il y a des gens qui sont capables de faire plein de choses à la limite de l’impossible. Lionel Suchet, président-directeur général du CNES lors d’une conférence de presse Je ne suis pas sûre que cela soit pour dans quatre ans, ajoute auprès de franceinfo Carine Leveau, directrice du Transport spatial au CNES, tout en se montrant prudente : En revanche, n’insultons pas l’avenir. On sait que lorsque les États-Unis se donnent les moyens, ils y arrivent. Rien n’est vraiment insurmontable pour envoyer des humains sur Mars. Mais, comme l’a expliqué franceinfo, de nombreux obstacles techniques majeurs doivent être surmontés avant de coloniser la planète rouge. Outre le défi de s’y rendre et d’en revenir se pose la question de la survie à la météo martienne, la production d’énergie sur place, ou la fabrication d’air respirable pour l’humain. Autant de difficultés qui nécessitent du temps et de l’argent. Or, rien ne montre, pour l’instant, que d’importants fonds soient spécialement alloués à un objectif martien, pointe Paul Wohrer. Pour que cela soit réalisé avant la fin du mandat, il faudrait un programme immense, extrêmement coûteux que nous n’avons pas vu dans la publication des premiers ‘executive orders’ de la Maison Blanche. Paul Wohrer, spécialiste des questions spatiales à l’Ifri, à franceinfo Les sommes en question sont colossales. Elles ne passeraient pas inaperçues. Selon une estimation de la NASA (lien PDF), le budget pour mettre au point une mission envoyant des humains sur Mars s’élève à environ 500 milliards de dollars. De plus, si les États-Unis mettaient la priorité sur Mars, cela pourrait signifier pour eux un désengagement ou une minimisation des accords Artemis, qui visent l’installation d’une base durable à la surface de la Lune. Dans tous les cas, pour tenir des échéances courtes, des arbitrages visibles devraient être réalisés très prochainement. Au-delà de la question de l’argent, parmi les différents obstacles à franchir, celui des radiations auxquelles s’exposent les voyageurs spatiaux pendant leur périple se détache particulièrement. Il y a des doses qui sont compliquées, notamment en cas d’éruption solaire que vous ne pouvez pas prévoir. Il y a des risques très importants à réaliser des voyages comme cela [vers Mars], a souligné le PDG du CNES. Aujourd’hui, si vous envoyez un humain sur Mars, les radiations sont telles qu’il décède d’un cancer en 45 jours, avait expliqué l’astronaute Michel Tognini dans Télématin, sur France 2, en septembre. En l’état actuel des connaissances et des techniques disponibles, Lionel Suchet estime qu’il est très compliqué d’envoyer un équipage sur Mars en lui assurant les standards de sécurité en vigueur. Avant d’ajouter : Mais il y a des gens qui sont prêts à prendre ces risques.